Et si associations, financeurs et pouvoirs publics s’alliaient pour une évaluation véritablement au service de la vie associative ?
Mardi 23 septembre 2025 s’est tenu à Paris un séminaire co-organisé par le Mouvement associatif, la Fonda et le F3E, dans le cadre du programme “Nouveaux regards sur l’évaluation” (NOURA). Ce séminaire a donné la parole à une diversité d’acteurs et d’actrices autour du sujet de l’évaluation en association. Il en ressort une énergie collective pour “reprendre le pouvoir sur l’évaluation” au service de la vitalité associative et démocratique en France. Nous vous invitons à retrouver ci-dessous quelques citations et prises de positions entendues lors du séminaire.
“Ce dont nous avons besoin, c’est de faire reconnaitre la valeur des associations, leur rôle dans l’engagement citoyen, leur présence unique dans les territoires et leur contribution à la vitalité démocratique”.
C’’est par ces mots que Mickaël Huet, délégué général du Mouvement associatif, a ouvert ce séminaire sur l’évaluation associative. Le monde associatif est en effet confronté à une crise sans précédent, mêlant coupes budgétaires et remises en cause de la légitimité des associations en tant que contre-pouvoirs civiques.
Comme le rappelle Patrick Viveret, philosophe et ancien magistrat à la Cour des comptes : “La dominante des acteurs qui s’occupent de l’évaluation sont obsédés, les uns par le contrôle, les autres par l’efficacité des politiques publiques par rapport à leur coût ». Dans ce contexte, pas étonnant que les associations aient “peur de l’évaluation, de se sentir scrutées, observées, contrôlées…” comme en témoigne Mariana Roy, directrice de la MJC-Centre social La Canopée, à Portes-les-Valence.
Doubles standards et injonctions contradictoires
Parler d’évaluation associative est d’autant plus délicat que de nombreuses dépenses publiques ne font, elles, pas l’objet d’évaluations, ce qui fait enrager Julien Adda, directeur du réseau d’associations d’insertion Les jardins de Cocagne : “Les associations d’insertion vont être en priorité sur des coupes budgétaires, alors que pendant ce temps-là, 210 milliards d’euros d’aides sont versées chaque année aux entreprises françaises, sans aucune évaluation !”.
Julien Adda regrette également l’incohérence de certaines évaluations. Il explique que des associations se voient reprocher de ne pas suffisamment coopérer entre elles, alors même que les bailleurs refusent de financer le temps de travail dédié à la coopération entre structures : “On ne peut pas être évalué sur ce que nous faisons de mal, c’est à dire l’absence de coopération inter-structure, si on ne finance pas la mise en œuvre de la coopération et du projet coopératif”.
Marie Weiller, cheffe de projet suivi et évaluation à la Fondation de France, partage cette analyse d’une défiance vis à vis des formes d’évaluation “sanction”, et la dégradation des relations de partenariat que cela induit : “Ce qui est le plus difficile, c’est d’établir la relation de confiance entre financeur et financé, mais aussi entre les associations elles-mêmes, qui sont en partie en compétition.”
Évaluations situées, évaluations apprenantes
Mais les pratiques d’évaluation en associations peuvent aussi prendre des formes plus positives. Les nombreuses évaluations accompagnées par le F3E ou par la Fonda en sont la preuve. Selon Laurent Fraisse, sociologue et chercheur associé au CNAM, l’évaluation est “une démarche qui doit avant tout permettre de la reconnaissance, quelque chose qui fait émerger la parole à partir de la situation vécue par les acteurs et actrices de terrain, et qui reconnaisse l’importance de ce que font les associations.”
Certains financeurs ont bien compris l’enjeu de soutenir ces démarches d’évaluation qualitatives et sur-mesure, comme l’explique Marie Weiller : “Quand on travaille sur de la complexité et qu’on veut avoir une approche transformatrice de long terme, on part du principe qu’on ne sait pas comment on va y arriver. Il faut saisir les opportunités. Il ne s’agit pas de prouver l’impact, mais d’avoir plus d’impact, et ça implique d’apprendre au fur et à mesure du projet, du programme.”
Ces démarches d’évaluation doivent s’inscrire dans une recherche de sens pour les organisations qui y prennent part. Hélène Duclos, consultante-chercheuse et vice-présidente du Gréus (Groupe de recherche-action sur l’évaluation d’utilité sociale) au sein de l’Institut Catholique de Paris, détaille : “Quand on évalue, on va apprécier la valeur, donc il faut d’abord se mettre d’accord sur ce qui a de la valeur : qu’est-ce que chaque partie-prenante perçoit de la valeur de l’organisation ?”
L’enjeu de la reconnaissance de ces approches
Ces approches qualitatives de l’évaluation permettent-t-elles aux associations de mieux défendre la valeur de leur action ?
Pour Mariana Roy, il n’y a pas de doute : “C’est à travers l’évaluation que j’ai pu faire comprendre aux élu-e-s locaux-ales que l’association ne faisait pas que prendre des subventions, mais qu’elle avait aussi un effet réel sur les habitant-e-s”.
Mais cette approche de l’évaluation associative ne pourra pas se généraliser sans une compréhension et un soutien clair de la part des pouvoirs publics.
Pour Sarah Persil, vice-présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté en charge de la vie associative : “On a besoin que les associations aient du temps pour réfléchir et se requestionner, et pour cela il faut qu’il y ait une culture de l’évaluation qui soit portée au sein des administrations, et des élu-e-s, et que cette culture soit travaillée au prisme du service public et de la coopération.”
Ces citations et extraits vous ont inspiré ? L’enregistrement complet de ce séminaire est disponible sur notre chaîne YouTube :
Pour aller plus loin
À en juger par les retours des participant-e-s de ce séminaire, celui-ci aura notamment permis de déconstruire certaines idées reçues sur l’évaluation, et donné envie d’explorer des pratiques nouvelles en la matière. Une belle occasion est d’ailleurs donnée aux associations françaises avec un appel aux volontaires, lancé dans le cadre du programme NOURA, pour expérimenter un outil d’auto-évaluation centré sur l’utilité sociale.
Si le sujet de l’évaluation en association vous intéresse, n’hésitez pas à vous abonner à la lettre d’information NOURA, afin de recevoir les avancées du programme.
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